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Le 21 novembre 2017, Moskitos et l’agence marketing Akatoa organisaient une table ronde sur le thème de l’innovation dans la relation client, animée par Martine Fuxa, rédactrice en chef de Relation Client Magazine.

Nouveaux enjeux de la relation client à l’ère numérique, solutions et technologies innovantes pour établir un engagement plus profond avec le client, traitement et valorisation de la Data, pièges à éviter et résultats…Les 4 intervenants de la table ronde ont présenté leur vision, leurs défis à surmonter et leurs réussites à travers leurs retours d’expérience dont voici la synthèse.

Intervenants : 

Elise Masurel – Head of Marketing – Klépierre
Groupe leader de centres commerciaux en Europe – 100 centres dans 16 pays – Valeur d’actifs de 23 milliards d’euros – Plus d’un milliard de visiteurs/an

Mamitiana Vanacore – Responsable Marketing Relationnel – BforBank
Banque en ligne du groupe Crédit Agricole – 180 000 clients – 3,2 milliards d’euros gérés

Flavien Riches – Reponsable Business Développement Pièces et Services – Peugeot
Constructeur automobile du groupe PSA – Animation de 2500 points de vente au quotidien – 500 000 clients accueillis tous les mois dans les ateliers de la marque Peugeot 

Samuel Tordjman – Directeur Marketing – Leader Santé
Groupement de pharmaciens créé par trois pharmaciens – Gestion de 220 officines – 60 000 clients par jour 

Le défi des marques pour optimiser leur expérience client passe par l’utilisation de nouvelles technologies… Quelle est votre position par rapport à l’Intelligence Artificielle, au Machine Learning, ou à d’autres technologies en expérimentation ? Sur quelles innovations travaillez-vous pour obtenir un engagement plus profond avec le client ?

 

Elise Masurel – Klépierre 

Le digital représente pour les centres commerciaux une superbe opportunité de démarrer le dialogue avec nos clients B to C car historiquement, nous ne parlions qu’aux marques. Maintenant, nous apprenons à mieux connaitre nos clients car nous parvenons à converser avec eux. Nous nous servons énormément des nouvelles technologies à chacune des étapes du parcours client, et comme un vrai levier d’accélération de la fréquence de visites et d’engagement de nos clients.

L’objectif est de générer un trafic plus important, mais surtout plus qualifié et donc plus transformant. Il est donc essentiel d’aider les clients à préparer leur visite pour leur faire gagner du temps et optimiser leur temps de présence sur place, et ainsi augmenter le panier moyen.

Nous sommes en cours de développement d’un Chatbot qui répondra à toutes les questions de nos clients en moins d’une heure, mais le plus souvent de façon instantanée. Ce Chatbot pourra émettre des recommandations sur de nouveaux produits, des promotions et du contenu affinitaire, en fonction des préférences de marques des clients. Le Chatbot permet de jouer sur l’instantanéité et l’automatisation des réponses, ainsi que d’utiliser des algorithmes de personnalisation très intéressants.

Nous mettons également l’accent sur la fluidification du parcours, une fois nos visiteurs arrivés dans nos centres et il s’agit de leur offrir un maximum de services. Nous travaillons notamment avec une start-up qui propose une solution pour éviter les files d’attente aux caisses des magasins ou des restaurants. Concrètement, il s’agit d’un ticket virtuel qui permet de connaître le moment idéal pour passer en caisse. Pour nous, il est primordial de chercher à tout prix à lever les irritants du parcours client. Les clients ont désormais accès à une expérience extrêmement fluide dans le monde du digital. Fluidité qu’ils souhaitent retrouver dans le monde physique. C’est un énorme enjeu pour nous, mais aussi une belle opportunité pour innover.

Nous souhaitons en outre offrir à nos visiteurs une expérience basée sur l’émotion : le digital offre un parcours sans couture, mais il est plus difficile de créer un lien d’affect avec le client.  C’est une dimension qui nous tient particulièrement à cœur chez Klépierre et qui fait notre différence. Nous utilisons ainsi les nouvelles technologies pour amplifier la dimension émotionnelle des événements dans nos centres. Nous avons notamment travaillé avec l’émission « Les Reines du Shopping » en créant les premiers casting physiques dans nos centres (castings habituellement gérés uniquement en ligne), transposant ainsi une communauté 100% digital dans le monde physique. Nous nous sommes servis des médias sociaux pour faire connaitre cet événement et amplifier sa portée. Objectif atteint puisque notre vidéo teaser a comptabilisé plus de 3 millions de vues. Chez Klépierre, nous ne faisons pas du digital pour faire du digital, nous le voyons comme un moyen de créer et d’entretenir un lien émotionnel avec nos visiteurs.

Flavien Riches – Peugeot 

L’industrie automobile est une industrie ancienne et nous avons amorcé notre révolution en commençant par limiter au maximum l’usage du papier, notamment pour nos offres commerciales. Nous avons ainsi créé le Pass Peugeot qui est un moyen simple et digital d’offrir une offre commerciale à nos clients directement dans leur smartphone. Ce projet a débuté il y a 3 ans, et vient d’être étendu à Citroën.

Nous avons également dématérialisé le carnet de bord de nos véhicules : en scannant les différents composants de la voiture avec un smartphone, l’application s’ouvre à la page concernée du carnet de bord. C’est une manière simple d’utiliser la technologie pour se débarrasser du carnet de bord papier encombrant.

Dans nos showrooms, nous sommes toujours à la recherche de la meilleure optimisation possible des espaces avec les contraintes que représente l’exposition des véhicules. Nous devons aussi maintenir une présence de proximité dans les villes, c’est pourquoi nous avons engagé une véritable transformation des points de vente en introduisant la réalité virtuelle. Grâce à un casque, le client peut tester différents aspects de la conduite comme par exemple le freinage d’urgence. Il peut également personnaliser comme il le souhaite son véhicule grâce aux écrans et PLV tactiles installés dans nos showrooms. Encore une fois, l’objectif est de s’affranchir du papier tout en offrant une expérience unique et personnalisée à chaque client.

Samuel Tordjman – Leader Santé 

La pharmacie est un métier très réglementé, nous sommes donc bien loin des initiatives mises en œuvre par Klépierre et Peugeot. Aujourd’hui, nous souhaitons mieux connaitre nos clients et savoir ce qu’ils pensent de leur pharmacie. Il y a 3 ans, nous avons ainsi mis en place un mécanisme de client mystère grâce à une application mobile. Depuis, nous avons adopté une approche plus instantanée en demandant à nos visiteurs ce qu’ils pensent de leur visite via une application directement installée sur le terminal de carte bancaire de chaque officine. Nous avons ensuite la possibilité de « basculer » ces avis sur Google : l’expérience physique vient ainsi influencer les internautes.

Nous avons à ce titre été approchés par une société nommée TripMedic, qui propose une expérience similaire à TripAdvisor mais dans le domaine de la santé : les pharmacies sont notées et classées selon différents critères, comme les langues parlées. Il s’agit d’une vraie démarche relationnelle sur ce secteur très concurrentiel et réglementé.

Mamitiana Vanacore – BforBank 

Nous sommes sur une niche du marché : nos clients sont des CSP+ ultra connectés avec un peu d’épargne. La majorité d’entre eux étant multi-bancarisée, nous sommes donc très fréquemment leur seconde ou troisième banque. La relation avec nos clients est assez complexe puisque nous sommes une banque 100% en ligne qui doit répondre à leurs attentes. Nous cherchons donc à offrir un service aussi simple que possible.

Nous avons mis en place une application mobile qui permet à nos clients d’obtenir une vue unique sur tous leurs comptes, épargnes, crédits, etc. Nous travaillons beaucoup sur l’instantanéité et sur un service qui permet à chaque client de bloquer ou débloquer sa carte bancaire immédiatement. Nous offrons aussi la flexibilité à nos clients : la gestion des plafonds de carte bancaire est gérée par des robots qui attribuent un score à un client pour lui permettre ou non une opération d’augmentation de plafonds de paiement, par exemple.

Nous travaillons également sur un projet européen plus global : l’Instant Payment, qui permettra en 2018 de faire des virements de façon instantanée (24h/24h, 7j/7).

Un autre grand défi des marques est de parvenir à recruter de nouveaux clients tout en maintenant l’engagement des clients existants. Avez-vous de bonnes pratiques à partager sur ce thème ? 

Elise Masurel – Klépierre 

Aujourd’hui, je ne pense pas qu’il faille opposer recrutement et fidélisation. Il faut plutôt réfléchir aux meilleurs moyens de réconcilier les deux problématiques.

Dans une logique d’acquisition, nous mesurons dorénavant l’impact de nos campagnes mobiles sur la génération de trafic physique, ce que nous n’étions pas en mesure de faire auparavant. Lors du Black Friday de l’année dernière, nous avons pu observer que 10 % des personnes ayant vu la bannière de promotion de l’événement s’était ensuite déplacés dans nos centres. Ce qui représente un très bon taux de transformation et nous permet de prouver aux retailers que les dépenses médias sont justifiées et surtout génératrices d’un trafic qualifié. Ces campagnes mobiles ont un double intérêt : pour le B to B comme pour le B to C.

Mamitiana Vanacore – BforBank 

Notre croissance passe également par ces deux leviers de l’acquisition et de la fidélisation. La connaissance de nos clients existants nourrit les dispositifs d’acquisition de nouveaux clients. Nous nous attachons à vraiment soigner nos clients et éviter que les meilleures offres soient réservées uniquement aux nouveaux clients. C’est pour cela que nous avons créé des offres spécifiques pour nos clients actuels, des services VIP que nous construisons conjointement avec eux.

Flavien Riches – Peugeot 

Sur le marché de l’automobile, une malédiction touche toutes les marques : au bout de 4 ans, nous perdons la moitié de nos clients en SAV. Tout l’enjeu pour nous est donc de regagner ces clients. Nous travaillons donc à adresser des offres attractives et très ciblées aux personnes n’ayant plus consommé depuis longtemps, via le Pass Peugeot évoqué précédemment. Ces offres sont gérées par la marque ou directement par notre réseau.

Samuel Tordjman – Leader Santé 

Comme la pharmacie est un secteur très réglementé, ce n’est pas simple de recruter de nouveaux clients. Nous ne pouvons quand même pas souhaiter aux gens de tomber malades ! Mais de plus en plus de consommateurs préparent leurs achats sur Internet avant de se rendre en pharmacie, nous pouvons donc actionner des leviers de fidélisation.

En termes de connaissance client, les outils sont de plus en plus nombreux… Comment procédez-vous sur l’aspect « collecte, exploitation et composition » des données, entre les différentes sources qui permettent d’obtenir une véritable intelligence ? Avez-vous déployé une  DMP ou d’autres outils de Data Marketing ? 

Flavien Riches – Peugeot 

Il est très difficile de récupérer les données de nos 2500 points de vente qui utilisent chacun leur propre réseau informatique. Nous avons toutefois signé une charte CRM précisant les conditions d’utilisation des données clients par la marque, que ce soit pour leur traitement ou les campagnes publicitaires… En ce qui concerne le RGPD (Réglement Général sur la Protection des Données), nous serons prêts : les services marketing travaillent d’arrache-pied sur le sujet. Nous voyons cette réglementation comme une opportunité qui permettra de restaurer la confiance et la sérénité dans la relation des clients avec la marque.

Elise Masurel – Klépierre 

Notre enjeu est de pouvoir réconcilier les données physiques et digitales du client puisque nous avons dorénavant accès aux données physiques de son parcours en suivant de manière très précise le temps qu’il passe dans nos centres. Avec toutes ces données collectées, nous sommes en train de construire un Datalake, afin d’être en mesure de réaliser de la personnalisation en temps réel. Par exemple, quand un client passe devant une boutique d’une de ses marques préférées, nous sommes capables de lui pousser une notification d’offre promotionnelle. C’est bien évidemment un levier très efficace car contextualisé et hyper-personnalisé en fonction de l’historique et des préférences de chaque client.

Nous utilisons également la Data pour aider nos retailers à améliorer leur business model. Nous partageons avec eux les données du parcours physique des clients, comme les données de « cross visiting », qui permettent de savoir ce que les clients ont fait avant et après la visite de leur boutique. Ainsi, les enseignes peuvent travailler sur des stratégies de co-branding ou de fidélité croisée avec d’autres marques, mais aussi évaluer la performance de leurs vitrines, en la comparant à celles des autres vitrines du centre.

Sur le RGPD, nous travaillons en mode projet avec des équipes RH, marketing, communication, mais aussi avec des équipes dans différents pays. Pour notre groupe, cela va harmoniser et simplifier les choses. C’est aussi pour nous une occasion d’améliorer la transparence.

Mamitiana Vanacore – BforBank 

La data est clé pour nous puisque nous ne voyons jamais nos clients. Nous avons construit l’écosystème de données autour du client, avec un Datalake qui agrège les données issues de ses échanges avec les conseillers, sa navigation web et mobile ou encore ses réactions aux sollicitations marketing. Ceci nous permet de construire notre propre moteur de règles pour définir le parcours client marketing.

Sur le RGPD, nous sommes obligés d’avancer en marche ordonnée, puisque nous sommes soumis aux règles des régulateurs de notre marché et audités très régulièrement. Un DPO a bien sûr été nommé.

Comment évaluez-vous les résultats de vos actions dirigées vers les clients et avec quels KPIs (indicateurs clés de performance) ? 

Flavien Riches – Peugeot 

Notre premier indicateur est le nombre de personnes qui passent dans notre réseau. Nous parvenons ainsi à mesurer l’impact de nos campagnes publicitaires, à suivre nos taux de transformation et à évaluer les variations du panier moyen (qui augmente de 25% en moyenne grâce aux actions entreprises comme le Pass Peugeot).

Samuel Tordjman – Leader Santé 

Nous disposons d’un extracteur de statistiques sur chaque pharmacie qui nous permet d’analyser l’évolution du nombre de visiteurs. Suite aux campagnes de promotion, nous pouvons également analyser les ventes et la rémanence (réachat) de nos offres promotionnelles.

Elise Masurel – Klépierre 

Nous analysons de nombreux KPIs, mais nous mettons l’accent sur les indicateurs du trafic physique dans nos centres. Nous sommes ainsi capables d’obtenir dans le monde physique les mêmes KPIs que dans le monde digital : temps de visite, taux de rebond (visiteurs qui restent moins de 10 minutes), données de parcours… Ces indicateurs nous permettent de savoir si le trafic physique généré est qualifié. Par ailleurs, les retailers partagent avec nous leur chiffre d’affaires, ce qui nous permet d’évaluer si nos actions sont génératrices de valeur pour eux.

Mamitiana Vanacore – BforBank

Nous analysons particulièrement deux indicateurs, avec en premier lieu la satisfaction de nos clients. Cet indicateur est partagé par l’ensemble des collaborateurs et indexé sur notre bonus individuel. Ainsi, nous sommes tous tournés vers le même objectif de répondre au mieux aux exigences de nos clients.

Sur le plan marketing, nous travaillons sur beaucoup de KPIs, mais celui qui nous intéresse particulièrement est la contribution des différents points de contact à la performance commerciale et marketing. Par exemple, quel est l’impact d’un spot TV ou de l’envoi d’un emailing sur les ouvertures de compte ? Nous avons une vision très ROIste, ce qui nous permet d’innover en permanence.

Elise Masurel – Klépierre 

Nous utilisons également des scores de recommandation, inspirés du monde de l’hôtellerie. Nous agrégeons ainsi tous les avis partagés sur les réseaux sociaux pour obtenir un score de satisfaction, que l’on analyse régulièrement en regard des différentes enquêtes de satisfaction menées. A l’avenir, nous comptons nous servir principalement des réseaux sociaux pour évaluer la satisfaction de nos clients de toutes générations. 

Ces témoignages le prouvent, déployer des technologies et des stratégies offensives pour apporter de nouvelles expériences à ses clients n’est plus une option. Les attentes et les outils sont là. La data, et sa bonne utilisation, apparaît totalement clé à travers ces retours d’expérience, tout comme l’importance de déployer des tableaux de bord et de suivi de la performance client pour aider à porter les discours et mobiliser l’organisation en interne.

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